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NOS LIBÉRATEURS
L’Empire au secours de la République
De la déclaration de la guerre à la défaite de juin 1940
À l’approche de la Deuxième Guerre mondiale, la France croyait pouvoir s’appuyer sur son empire colonial pour inverser un rapport des forces défavorable avec l’Allemagne nazie. Avec le soutien des 60 millions d’habitants de l’Empire, 40 millions de Français de métropole seraient en mesure de faire face aux 80 millions d’Allemands : cette équation simple était couramment admise par les chefs militaires, les dirigeants politiques et l’opinion publique.

Au défilé du 14 juillet 1939, les troupes coloniales avaient fait forte impression :
« Le peuple de France a follement acclamé l’armée de son Empire, expression de sa puissance et de sa résolution » écrivait un journaliste. L’État-major escomptait en effet puiser dans les colonies les renforts dont il aurait besoin en cas de conflit. Dès la déclaration de guerre, des soldats débarquaient à Marseille et à Toulon venant de tous les territoires de l'Empire. Au printemps 1940, devant l'imminence de la confrontation avec l'armée allemande, l'afflux des renforts d'outre-mer s'accéléra.

La mobilisation en Afrique du Nord avait permis de porter en mai 1940 les effectifs aux armées dans les trois pays du Maghreb à 420 000 soldats dont un peu moins de la moitié étaient des indigènes ; 94 000 Nord-Africains étaient, à cette date, affectés en France sur le front et dans différentes unités à l’arrière.
Au même moment, en Syrie et au Liban, l’armée comptait 83 000 soldats dont 16 000 « autochtones ». Le tableau ci-dessous donne les résultats de la mobilisation en mai 1940 pour les autres territoires de l’Empire :

Régions d’origine

Européens mobilisés

Indigènes mobilisés

Total des mobilisés

Afrique occidentale française

9 622

112 702

122 324

Afrique équatoriale française

2 361

13 172

15 533

Côte française des Somalis

1 600

6 300

7 900

Madagascar

6 331

27 676

34 007

Indochine

14 236

74 662

88 898

Chine

755

894

1 649

Pacifique

1 123

42

1 165

Antilles et Guyane

387

3 691

4 078

Total

36 415

239 139

275 354

Source : Julien Fargettas La mémoire des soldats du 25e RTS (19-20 juin 1940)
Université Jean Monnet, Saint-Etienne, 2000


Ainsi, une semaine avant l’invasion allemande, le total des soldats mobilisés dans l'Empire colonial atteignait 872 000 hommes, citoyens de la République et sujets de l'Empire réunis. Ils représentaient le sixième des 5 100 000 soldats mobilisés en France et dans l’Empire.

En France, au 1er mai 1940, le dernier décompte précis avant la débâcle donne 107 949 soldats indigènes affectés sur les différents fronts: parmi eux, 70 815 Nord-Africains et 37 134 coloniaux, ce chiffre réunissant des Antillais, des Indochinois, des Malgaches et des « Sénégalais », c'est-à-dire l'ensemble des soldats originaires d'Afrique noire. Comparée aux 2 543 843 Français de métropole, la contribution des soldats des colonies à la bataille qui était imminente demeurait finalement limitée : elle correspondait de fait au plan élaboré par l’État-major qui envisageait de puiser progressivement les années suivantes dans les forces de l’Empire.

Mais l'armée française, rapidement défaite, déposait les armes le 25 juin 1940. Les estimations des pertes témoignent de la très grande violence des combats :
85 310 tués, 120 000 blessés, 12 000 disparus en 47 jours de bataille. 1 800 000 soldats avaient été faits prisonniers.

Les Nord-Africains sur le front en France comptèrent environ 5400 tués. Les troupes coloniales venues d’Afrique noire furent décimées plus que toutes autres. À de multiples reprises, notamment à l’issue de combats dans la Somme et l’Oise, en Côte d’Or et près de Lyon, des Allemands firent preuve de sauvagerie à l’égard de soldats noirs, achevant des blessés, massacrant des prisonniers comme ce fut le cas à Chasselay dans le Rhône où 200 tirailleurs sénégalais furent exécutés à la mitrailleuse.
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